15 September 2006

L'opération (suite 9)

Je tiens donc compagnie à ma mère plus longtemps que prévu jusqu'à 18h45. Il fait déjà nuit noire et l'électricité de l'hôpital est en marche depuis 17 heures. Les chambres ainsi que les galeries sont illuminées par des néons tandis que l'enceinte de l'hôpital ainsi que le mur d'enceinte le long de la longue l'allée du complexe de la famille de Marie sont illuminés par ces grosses boules transparentes renfermant des ampoules qu'on utilise souvent pour les jardins.

La longue allée bordée d'arbres est ainsi illuminée mais sans aucun passant du tout. Je me hâte pour rentrer car il fait froid, au bout de l'allée commence la nuit noire : là commence les premières maisons du village. Aucune lune dans le ciel, on devine tout de même à peu près le chemin car il y a une très faible clarté, la demi-lune ne doit plus être très loin. Je n'ai pas peur car même si les villageois dorment très tôt, ici ce n'est pas l'insécurité des villes : on a pas l'habitude à la campagne de dépouiller les passants, leur spécialité c'est plutôt le vol des zébus.

Je viens de quitter la lumière depuis 50m environ et de dépasser une broussaille près de laquelle se trouve une tombe lorsque soudain, je mets le pied droit dans quelque chose de mou et gluant.

J'ai tout de suite compris ce que c'était et lance instinctivement un juron:

- Et merdddddeeeee !

 Et c'est le cas de le lire puisque je suis littéralement dans la merde : je viens d'en écraser une. Je regarde autour de moi et je vois qu'il y a pas trop loin quelques cases en terres battues au toits de chaume. Ce doit être un gosse ou une femme de ces endroits qui, pris d'une envie subite de se soulager, a cru bon d'en faire une en plein chemin au lieu d'aller plus loin dans les broussailles ou les hautes herbes, par peur peut-être, à moins que ce ne soit purement pour piéger un piéton ;-(

Je sors ma minuscule lampe de poche que je n'ai pas voulu allumer pour ne pas être remarqué et éclaire ma chaussure que je frotte bien sur le bord du chemin dans l'herbe. Après que tout soit bien parti et qu'il ne reste plus rien, je remets ma chaussure et mets le cap sur l'hôtel.

Deux personnes qui étaient à l'hôpital sont déjà attablées dans la petite salle à manger. Sur la fenêtre est posée une radio qui diffuse les nouvelles de la radio AVEC d'Ihosy. J'écoute bien les annonces qui s'ensuivent pour savoir s'il n'y a pas une pour nous, étant donné que ce puissant station FM est le seul lien du village avec le monde « extérieur » :il n'y en a pas.

Je commande du poisson et je me mets à manger.

Un jeune homme un peu quelconque qui vient d'occuper une chambre à l'étage arrive et s'attable sur la même table que moi. Il passe sa commande et la serveuse Zana lui porte du poisson au sauce (presque tous le mets de ce petit resto sont aux sauces tomates, lol) alors qu'il a commandé du poulet.

- Non, ce n'est pas ma commande, dit le jeune homme fermement, je veux du poulet.

Zana s'excuse qu'il devra attendre car le poulet n'est pas encore au point.

- J'attendrai !

Pendant son attente, je lui pose une question qui me titille, presque tous les gens qui viennent ici le font pour l'hôpital, le jeune homme semble être en bonne santé, alors je lui demande s'il est venu dans ce village pour consulter ou non. Il me dit qu'il a des problèmes pectoraux mais qu'après plusieurs analyses, échographie et radio à Fianarantsoa (le jeune homme est étudiant à Andrainjato), les médecins n'arrivent pas à trouver sa maladie. Il a entendu parler de cet hôpital et il est venu.

Je continue de manger tandis que le chat du propriétaire quémande sous la table, ce chat est souvent sous notre table depuis notre arrivée. C'est fou ce qu'il y a des chats dans ce village ! Il y a deux ans lors de mon premier passage dans ce bourg, j'avais pas moins de 8 chats qui me griffaient sous la table pour avoir quelque chose, et ce n'était pas dans cet hôtel. Certains montent même sur les tables après le départ des clients.

A Madagascar les chats on droit à presque tout, entrer dans la maison bien sûr mais aussi monter sur la table, dormir sur le lit, caressé par son maître tandis que les chiens sont rares à avoir droit à entrer dans une pièce ou avoir un câlin de son maître : Une injustice.

J'allais partir et payer lorsque le mec me demande si demain matin il pourrait venir avec moi pour trouver l'hôpital.

- Pas de problème, lui dis-je. Rendez-vous devant la porte du resto demain matin à 6h 15.

Je paie l'addition ainsi que la chambre de la nuit que je paie d'avance depuis notre arrivée et rejoints ma chambre. Je me dis que si demain matin ma sœur et son mari ne viendront pas, je vais rendre mon matelas avec son foin mal reparti qui fait des bosses, je dors très mal avec, comme ça je dormirais sur le grand lit inoccupé et en plus ça me fera 1000 ariary de moins (0,37 €) pour la location de ce matelas.

Avant de dormir je me mets devant la petite table nue que j'ai mis à notre arrivée devant la porte de communication avec le bar qui se trouve au milieu afin de couper toute circulation possible entre le bar et notre chambre lorsqu'on est pas là, on sort ensuite pour sortir par la porte de devant qu'on ferme avec notre propre cadenas.

J'approche le cageot de bière qui fait office de chaise et j'ajoute une autre bougie allumée sur la table, j'écris la dépense du jour avant de lire un peu le journal car il est encore trop tôt.

Dans la rue tout est déjà calme, le seul bruit assez sonore vient de la salle de projection vidéo qui est l'une des seules distractions ici, sinon le seul à part pêcher les poissons peut-être.

Je fais mon lit vers 19h45, règle l'heure de réveil sur mon portable (je me dis, tiens, la batterie est déjà faible), éteint les bougies avec le fer qui supporte le mosquito afin d'éviter l'odeur particulière de graisse brûlée qu'ont inévitablement les bougies lorsqu'on les soufflent et m'endors d'un coup.

Vendredi 28 Juillet 2006 :

De matin de bonne heure je me lève pour aller au petit coin puis me lave car j'ai hâte d'aller à l'hôpital. A 6h15 je regarde devant le resto si le mec d'en haut y est, il n'est pas là. Tant mieux, ça me donnera un peu plus de temps pour me préparer. Vers 6h30 le sosoa (du riz qu'on cuit avec beaucoup d'eau pour obtenir du riz très tendre es crémeux, presque du bouillie)  de l'hôtel n'est pas encore prêt. Tant pis, j'ai hâte d'aller à l'hôpital, je passe à la boutique chez Rafily qui ouvre très tôt pour acheter un coca 50cl, 3 portions de fromage et du pâté de poule, un biscuit salé. Je mangerai ça sur la galerie extérieur une fois sur place.

Sur la route de l'hôpital, je croise quelques corbeaux sur le bord du chemin ainsi que jusque dans la cour des familles de Marie, l'enceinte de brique étant trouée en damiers. Décidemment ce village est la patrie des corbeaux, lol ! Depuis notre arrivée nous n'avons pas rencontré d'autres oiseaux.

J'entre dans la chambre est je vois maman déjà réveillée mais la main droite sous perfusion. Je règle la perfusion qui s'est très mal écoulée, à peine 20 ml depuis hier soir. L'infirmière l'a mal réglée ou alors elle s'est bien écoulée au début puis s'est coincée presque totalement.

L'opération est prévue ce matin, dès 8 heures le puissant groupe électrogène de l'hôpital est déjà en fonction, bon groupe d'ailleurs, il est quasi-silencieux. Un premier patient entre en bloc, maman et moi nous ne sommes pas concentré à une quelconque lecture, se demandant si ma sœur va arriver et surtout si ce sera bientôt le tour de maman d'entrer en bloc.

Vers neuf heures, une infirmière entre et change les sérums des malades, seul celui de maman est quasi intact mais elle l'a changé quand même. Je suis un peu étonné de constater que les solutions ne se ressemblent pas : celui d'avant était une solution glucosée tandis que celui-ci est à base de sodium donc salé sûrement.

Vers 9 heures 15mn il y a un autre patient qui entre en bloc, ensuite un autre qui est le troisième. Vers 11 heures nous pensons que la troisième opération doit être bientôt finie et voilà que l'ambulance de la ville d'Ihosy vient d'arriver dans la cour avec une patiente qui doit être opérée en césarienne ici car le chirurgien en poste à Ihosy n'est pas en ville, direction donc Sakalalina. C'est une urgence. On se dit maman et moi vers 12h que son tour ne sera que cet après-midi peut-être.

(A suivre)

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