24 October 2006

L'operation (suite 15)

Nous prenons ensuite le chemin de l’hôtel et tandis que la dame de l’hôtel et Zana préparent les commandes du déjeuner pour maman et ma sœur Cécile, moi et René nous en profitons pour manger vite fait. Je bois à volonté du ranovola (littéralement « eau d’argent », une eau qu’on obtient en brûlant la croûte du riz qu’on vient de cuire, dès que la croûte est assez brûlée mais pas trop, on y ajoute de l’eau et on obtient ainsi de l’eau qui a la couleur du thé) en guise d’eau de table. Après avoir payé les 6.000 ariary (2,20 €) des 4 plats commandés, nous retournons ensuite à l’hôpital avec dans la main le panier contenant les déjeuners de maman et de ma sœur.

Après le déjeuner de ces dernières, Cécile et René décide de descendre au village pour acheter quelques broutilles, ils en profitent aussi pour prendre une sieste à l’hôtel car à l’hôpital il n’y a pas moyen d’en faire dans la journée et la nuit on veille la plupart du temps sur les malades. Je leur donne donc la clé de la chambre et je m’assois au pied du lit pour relire les journaux, dans ce village de 2000 habitants il n’y a aucune boutique qui vend quelque chose de lisible : ni journaux ni livres. Même à Ihosy (30.000 habitants) il est difficile de trouver des bons livres, surtout si vous cherchez une œuvre en particulier, dans ce dernier cas il faut aller à la capitale pour être sûr à 70% de trouver ce que vous cherchez. C’est ainsi qu’il m’a fallu plusieurs voyages à la capitale pour trouver enfin « Le pont de la rivière Kwaï » de Pierre Boule et « Les fleurs du mal » de Baudelaire, et encore, je les ai trouvé dans les livres d’occasion, les fameuses kiosques d’Ambohijatovo, l’équivalent des kiosques au bord de la Seine, lol !

Mais bon, à vrai dire la comparaison s’arrête là puisque les rares bons livres d’Ambohijatovo sont vite loués ou achetés par des particuliers qui les retiennent et que finalement la plupart du temps on n’y trouve que des bouquins sans grand intérêt.

Maman profite de la digestion pour faire aussi de la sieste.

Après trois heures passés au pied du lit, n’ayant plus rien à lire je commence à m’ennuyer ferme, heureusement que Migy met peu de temps après la radio en marche.

Ma sœur et sont mari reviennent vers 15h30 et vers 16h je descends au village pour acheter du jus d’orange pour maman. René descend avec moi car on va aussi passer chez Jean-Claude son ami prêtre car ce dernier a un téléphone portable de même marque que la mienne et on voulait emprunter son chargeur, histoire de charger mon téléphone sur la prise de l’hôpital, à l’insu du personnel hospitalier bien entendu. Lorsque Jean Claude veut téléphoner en ville, il prend sa moto et s’éloigne de 12km du village pour trouver enfin un réseau.

Pas de bol, il a cette fois laissé son téléphone et son chargeur en ville.

En passant devant notre hôtel pour aller à la boutique de Rafily, nous voyons un attroupement et deux ou trois voitures pas loin. On se demande se qui se passe et on pose la question à un badaud, il s’avère que c’est Rasoa Kininike et son groupe qui viennent d’arriver et qui déjeune avec du retard à notre hôtel.

Eh bien, me dis-je, il va y avoir de l’ambiance demain, surtout que Lundi c’est jour de marché pour Sakalalina et tous les villages aux alentours viennent. Le petit hic c’est au niveau du prix du billet :2.500 ariary (0,92 €) au lieu de 2 .000 ariary (0,73 €) comme en ville, mais bon, ici c’est un coin plus reculé et la route est mauvaise avant d’y arriver.

Après notre petite course, nous reprenons le chemin de l’hôpital, 100 mètres avant d’arriver devant le petit terrain de foot (tout pelé et sableux par endroits), nous voyons le jeune chirurgien italien qui regarde le match des jeunes du village. Il est toujours en tricot noir et jean, à moins qu’il en ait plusieurs. J’en fais la remarque à mon beau-frère qui dit :

- Voyons voir et si la poche derrière de son jean a toujours un trou, c’est toujours le même pantalon.

- Tiens ! Tu as remarqué aussi ?

Arrivé devant les footeux, nous saluons le vazaha qui nous rend notre salut. Nous regardons discrètement son derrière : le trou de la poche arrière est bien là avec à l’intérieur une portefeuille en cuir.

- C’est le même ! Dis René tout bas après avoir fait 3 mètres et nous éclatons de rire discrètement.

Aux environs de 17 heures, les médecins sont une visite et ils confirment notre sortie pour le lendemain. Ils demandent à maman de quitter le lit et de faire des marches lentes accompagnées dans les galeries. La marche sera très bien pour vous disent-ils.

Maman se lève dont et s’appuie sur ma sœur qui l’accompagne pour ces marches.

Vers 17h 30 les infirmières font leurs rondes pour les injections.

Vers 18h, nous redescendons au village, en passant devant l’école du centre d’éducation de base, nous voyons les voitures et toute la troupe de Rasoa Kininike qui y a élu domicile. C’est les vacances et l’école est déserte, en plus c’est sûrement plus économique que d’élire domicile à l’hôtel qui ne peut en plus les loger tous.

Je laisse René devant une bouteille de THB au bar et je repasse acheter une bouteille d’eau et un rouleau de papier toilette chez Rafily. J’y rencontre pour la énième fois le docker, cette fois-ci il est tout pompette, tout sourire et il me fait carrément les yeux doux ! Enervé par cet ivrogne, mes achats dans les mains, je tourne les talons pour m’en aller lorsque je m’arrête net on voyant un jeune homme qui me regarde fixement l’air amusé. En fait il semble avoir été bien amusé par le manège du docker. Cette fois-ci je suis sûr d’avoir déjà vu le mec mais où ?

Une seconde après la mémoire me revient :

- Ah A….. ? (Je tairais son nom au cas où lui ou son copain tomberait par hasard sur mon blog ;-) Mais qu’est-ce que tu fais dans ce bled ?

A….. est un célèbre animateur radio à Ihosy et il travaille pour une station concurrente de la radio AVEC. Marié et père de famille, le gugus sort pourtant avec l’un des plus beaux partis de la ville, le fils d’une richissime famille, deuxième fortune de la ville.

- Eh bien je suis venu ici car je suis avec…. (son copain) l’organisateur du spectacle de Rasoa Kininike. Je suis venu avec la sonorisation dont je vais m’occuper.

- Et pourquoi…. n’est-il pas venu ?

- Il est très occupé mais j’espère qu’il va pouvoir venir demain avant le spectacle.

Je quitte rapidement A..... après une brève discussion et retourne à l’hôtel. A 18h 15 il fait déjà sombre, c’est l’hiver qui veut ça.

Nous avons fini de dîner à 19h, on dîne toujours très tôt à la campagne et René retourne tout de suite après à l’hôpital avec dans la main les victuailles pour les deux femmes. A peine est-il parti 15 minutes que des coups de sifflets stridents envahissent le village alors que la lune vient depuis peu d’apparaître. Une alerte qui signifie qu’une attaque a lieu au village ou dans les environs immédiats.

(A suivre)

 

18 October 2006

L'opération (suite 14)

Les gardes malades dans les chambres commentent ces décès qui deviennent un peu successifs. Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de sujets de conversations. Les deux convalescentes ainsi que maman qui se trouvent dans la même chambre commencent sérieusement à avoir des envies de rentrer plus vite à la maison.

Je redescends au village vers 7 heures avec René remporter les affaires de la nuit et aussi prendre la commande du petit déjeuner de maman et de ma sœur. Elles viennent de choisir encore du sosoa au kitoza au détriment du vary amin’anana (littéralement « riz aux légumes »), l’autre plat traditionnel en matière de petit-déjeuner.

Nous repassons chez Rafily avant d’aller à l’hôpital pour acheter du papier toilette softy, du Fanta citrus et 2 jus d’orange en brick.

Vers 9 heures les infirmières passent dans les chambres comme toujours faire leurs injections quotidiennes d’antibiotiques, de vitamines ou autres selon les patients.

Les autres gardes malades et nous discutons des prix défiant toute concurrence pratiqués chez Rafily. En fait, il s’avère selon les gardes malades du lit à gauche de maman, que Rafily se fournit directement à la capitale et en plus il prend une très mince marge bénéficiaire afin de « tuer » tous les autres concurrents. Et cela semble marcher car les autres commerçants du village vivotent alors que chez lui ça ne désemplit pas. Il en est de même pour la ligne des taxis-brousse qui relie Ihosy à Sakalalina, il y avait un temps ou d’autres voitures se sont mis à faire la même ligne, Rafily a alors baissé très bas jusqu’à perte (incroyable mais vrai !) le prix du ticket de ses voitures. Devant une telle concurrence déloyale et ne pouvant pas baisser au même prix le prix de ses billets, ses concurrents ont du mal à trouver des voyageurs et finalement, abandonnent cette ligne. Dès qu’il n’y a plus de concurrent, Rafily rehausse le prix du ticket. Diabolique mais efficace !

Vers 10 heures, la doctoresse Seheno passe dans la chambre et dit à maman qu’elle rentrera probablement lundi, sans préciser si ce sera lundi matin ou dans l’après-midi. Elle dit pour la jeune fille opérée au lèvre qu’elle restera probablement encore pour quelques jours afin d’être réopérée. Il ne faut pas se hâter de rentrer dit-elle, il faut que tu sois réopérée pour que cette lèvre sera parfaite. Cela met la jeune fille au bord des larmes, elle qui se voyait déjà rentrer aussi lundi comme Hary et maman. Cela aussi est la faute aux médecins, Dr Misa et Dr Roger lui avait déjà laissé entendre qu’elle rentrera bientôt et que ce qui reste de gonflement sur sa lèvre sera peu à peu absorbé, elle était déjà bien contente d’entendre cela.

Nous avons pitié de cette jeune fille qui tombe en larme dès que Dr Seheno sorte de la pièce. Toujours cette hâte de certains médecins à ce que certains lits soient vite évacués afin de permettre aux nombreux patients en attente d’hospitalisation de les occuper.

Vers 11 heures, maman nous dit d’apporter le fisaorana (remerciement) à la sage-femme qui nous avait prévenus lorsque nous étions à Ihosy de l’arrivée de ce chirurgien spécialiste vasculaire. Le fisaorana est très présent dans la vie quotidienne malgache, par exemple toute bénédiction nuptiale se termine presque toujours par le fisaorana qu’on donne au prêtre qui a officié, en plus de la quête lors de la cérémonie. Le fisaorana consiste en une somme qu’on met dans une enveloppe [généralement de couleur beige ou blanche dans la joie, rarement de couleur bleue, cette dernière étant souvent réservée pour le faho-dranomaso (littéralement essuie-larme) qu’on donne lors des décès pour aider dans les divers préparatifs funèbres la famille éplorée] qu’on donne et dont la contenue diffère selon la possibilité et l’idée de celui qui le donne.

Tous les 4 (Maman, René, Cécile et moi) nous nous sommes mis d’accord sur la somme de remerciement qu’on va donner à la sage-femme sans qui on n’aurait pas pu venir : 20.000 ariary soit 100.000 francs (7,33 €), environ le tiers de son salaire mensuel je pense.

Moi et mon beau-frère donc descendons au village pour apporter le fisaorana à la sage-femme qui n’est pas de garde aujourd’hui, lorsque nous arrivons à sa maison elle n’est pas là car elle est sortie, nous décidons de revenir un peu plus tard. Nous sommes déjà partis lorsque nous l’apercevons qui se dirige vers sa maison. Nous décidons de revenir chez elle.

Elle s’est débarrassée de son sac et veste lorsque nous arrivons. Elle nous invite à entrer dans un petit living simple mais chaleureuse. C’est mon beau-frère en tant qu’aîné en âge qui s’occupe du petit kabary (discours) de remerciement après avoir énoncé le but de notre visite et c’est moi qui après le petit discours lui donne l’enveloppe.

La sage-femme après avoir pris l’enveloppe nous remercie dans un court discours comme le veut la tradition. Après cela nous restons un peu discuter de choses et d’autres puis nous prenons congé de notre hôte. Le tout a durée une dizaine de minutes à peine.

(A suivre)