18 September 2006

L'opération (suite 12)

Samedi 29 Juillet 2006 :

Je me réveille de bonne heure, dans mon lit ma première pensée c'est de savoir si maman s'est enfin réveillée de son profond sommeil. Je vais au petit coin puis me lave un peu plus vite que d'habitude avant d'aller à l'hôpital. Je prends la route de l'hôpital à 6h du matin, un peu partout le long du chemin on sent comme tous les matins des odeurs de cafés fumants et de mofo gasy (sorte de doux beignets typiquement malgache faits avec de la farine de riz) sortant des chaumières et gargots qui se trouvent sur les côtés.

Quelques uns des passants qui vont comme moi prendre la route de l'hôpital s'y arrêtent pour leur traditionnel café matinal, moi qui ne bois que très rarement du café je passe mon chemin. Le froid matinal me saisit et des brouillards assez épais enveloppe la vallée tout autour.

A 6h 15 j'arrive enfin à l'hôpital. Je rentre dans la chambre et vois ma sœur qui est assis sur la chaise près du lit, quant à ma mère elle dort. Ma sœur me dit que maman ne s'est réveillée qu'à 3h du matin ! Elle était bien contente de trouver à son réveil ma sœur et mon beau-frère puis elle a demandé où j'étais, ma sœur a répondu que j'étais au village mais viendrais tôt dans la matinée. Peu après son réveil elle s'est rendormie. Les gardes malades de la chambre se relaient dans la douche et préparent leurs couches et couvertures qui vont être descendu au village, justement celui de mon beau-frère vient d'être fin prêt dans le sac camouflage. On discute un peu puis peu après ma mère se réveille pour la deuxième fois. Elle est encore un peu faible mais déjà bien consciente, sa perfusion sera arrêtée dans la matinée dixit le médecin. Elle pourra déjà prendre des légers repas.

Je passe mes bras dans les deux anses du sac et les mets sur les épaules, le sac dans le dos puis repart au village passer la commande du petit déjeuner. Ce sera du sosoa avec du kitoza (viande fumée ou séchée qu'on grille ou qu'on frit dans de l'huile) pour tous les quatre, bien tendre comme l'hôtelier sait le faire. Mon beau-frère descend au village avec moi, on va y manger puis revenir apporter à l'hôpital le petit déjeuner de maman et ma sœur. A 7h 10 environ on repart pour l'hôpital pour y rester jusqu'à l'heure du déjeuner. Mon beau-frère s'arrête sur une paillote au bord du chemin pour acheter le café quotidien de ma sœur qui en est une adepte ainsi que quelques mofo gasy pour accompagner ça, il m'en donne, ce que j'accepte volontiers vu le temps que je n'en ai plus mangé, au moins un an !

Sur le chemin, il me dit que sa femme va sûrement demander son café à notre arrivée. En effet, dès la grille en vue, nous apercevons ma sœur assis sur le muret de la galerie, dès que nous sommes à 3 mètres, la première chose qu'elle demande c'est « Où est mon café ? » Ce qui nous fais bien rire et elle rit à son tour. Mon beau-frère sort de son blouson la bouteille où il a mis le café et le lui tend avec les mofo.

Peu après notre retour à l'hôpital, un jeune homme d'une vingtaine d'année entre dans la chambre, c'est le mari de Hary, la malade de gauche qui a été opéré de fibrome. Il a apporté un petit poste de radio avec lui et qu'il met en marche sans tarder afin de mettre un peu d'ambiance dans la chambre. Comme toujours ici à la campagne, c'est la radio AVEC d'Ihosy qu'on écoute. Plusieurs annonces passent sur fond de bande annonces, entre autre le passage de la chanteuse Solange Kininike ici à Sakalalina pour un spectacle le lundi 31 juillet. Solange est une chanteuse très connue partout à Madagascar, aussi connue pour ses rythmes musicales très chaudes aussi bien que pour ses danses des fesses avec ses danseuses, lol ! Comme si leurs derrières étaient prises de la danse de saint-Guy !

Après des interminables annonces en tous genre, on a enfin droit à de la musique, j'apprécie en particulier l'indémodable « Ballade pour Adeline » de Richard Clayderman, suivi de plusieurs autres aussi bien locale qu'internationale dont un vieux tube de Boney M. Je me disais que ça doit être François de Paul, un de nos clients du bar à Ihosy qui est à l'animation vu qu'il raffole de ce vieux groupe.

Radio et journaux aident à passer ainsi le temps. Une infirmière passe vers 8h 30 arrêter la perfusion de maman, la veille le docteur a déjà dit que maman peut manger à partir d'aujourd'hui car c'est sa jambe qui a été opéré et non le ventre. Pour Hary le docteur a été formel, elle ne devra songer à manger qu'à partir du moment ou elle commence à dégager de l'air, une litote pour dire péter.

Vers 9h maman mange de bon appétit son sosoa au kitoza, elle mange avec une telle faim que ma sœur qui n'a pas encore mangée la sienne décide de lui donner une bonne moitié de sa part, c'est bon signe pour notre malade qui se remet de son opération et de ses émotions vu qu'elle aussi avait particulièrement peur.

Vers 10h deux doctoresses passent pour des visites et dit à Migy, le mari de Hary qui ressemble un peu à Carl Lewis mais en plus petit, d'arrêter pour un moment la radio car les chirurgiens vont bientôt visiter les malades qui ont étés opérés dans les chambres.

Vers 11 heures en effet, plusieurs docteurs dont pas mal de chirurgiens visitent les patients opérés. Ils regarde la jambe gainée de maman et commente des choses entre eux, surtout les deux italiens, le vieux et le jeune, Dr Roger traduit qu'on doit mettre quelque chose sous le matelas afin de surélever la jambe qu'on vient d'opérer. Le jeune médecin italien nous regarde et je lui adresse un « grazie mille » pour s'être occupé de l'opération de maman. Il ne dit rien me sourit, content qu'on lui adresse deux mots dans sa langue maternelle.

Vers 11h15, quelques temps après le passage des médecins, je sors sur la galerie prendre l'air et un peu de soleil, pas plus de 5 minutes tout de même pour ne pas devenir une écrevisse avec mon allergie. Je m'assois près du mari de ma sœur et de Migy qui y sont déjà. A peine je m'assois depuis 2 minutes que je suis intrigué en remarquant une chose chez Migy et que je n'ai pas vu chez sa femme, les ongles courts de Migy ont des vernis écaillés rouges vifs ainsi que ses orteils à travers ses sandales ! Je souris un peu : imaginez Carl Lewis avec des ongles vernis, ce serait drôle. Migy n'a pourtant rien d'efféminé du tout et voilà une chose qui m'intrigue beaucoup chez pas mal de mecs ici, dans ma région en tous cas. Un de nos clients du bar, menuisier de son état, velu et taillé comme une armoire à glace a trois ou quatre doigts vernis. A la caisse nationale de prévoyance ou à la banque, il n'est pas rare de voir des clerks avec deux ou trois ongles vernis….

Soudain une triste nouvelle s'échange parmi les gardes malades ou patients sur la galerie. Un enfant dans le service pédiatrie est mort, ce doit être l'enfant que le père Jean-Claude a baptisé.

(A suivre)



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