15 September 2006

L'opération (suite 10)

La malade de gauche est en bonne voie de rémission, elle n'est plus celle qui était à prendre à la petite cuillère d'hier. Elle est encore sous perfusion mais la sonde a disparue ce matin et elle a meilleure mine bien qu'encore faible, ce qui rassure ma mère qui est algophobe sur les bords. D'ailleurs elle et sa copine qui la garde ce matin rassurent maman sur l'opération qui va venir.

Pour destressé un peu de cette attente, je sors un peu dans la cour et rencontre le jeune homme de l'université. Il est parti vers 6 heures dit-il car il voulait avoir son carnet parmi les tout premiers.

Après lui avoir parlé je déambule un peu du côté de l'entrée, là contrairement au plaque de marbre, le nom de l'hôpital est écrit correctement (voir photo). Curieusement sous le nom de l'hôpital on retrouve le logo d'Air Madagascar, le ravinala qui est la plante endémique du pays. Cette plante est indissociable à Madagascar comme le cèdre l'est au Liban ou encore l'érable qui est le symbole du Canada.

Peu après je reviens dans la chambre des malades et m'assois sur la chaise destinée aux gardes malades, chaque lit a une chaise pour cela. Je lis un journal mais la tête n'y est pas du tout, et puis ma sœur et son mari qui ne sont pas encore là alors que c'est le jour J. Je me dis qu'ils ne vont peut-être pas venir.

Je sors sur la galerie extérieur pour grignoter car j'ai faim, depuis ce matin je n'ai encore rien mangé, je vois près des arbres quelques corbeaux qui n'ont décidemment pas peur vu qu'il y a des gens à quelques mètres d'eux. Jamais je n'avais vu de corbeau d'aussi près et une région où il y en a autant qu'ici !

Peu après je rentre et je regarde la petite montre de chevet que j'ai mis sur la table du lit : 12h 15 déjà. Soudain à 12h20, alors que nous croyons tous que l'opération ne se fera que cette après-midi, voilà que l'anesthésiste ouvre la porte menant sur la galerie intérieure et entre en poussant une civière et dit à ma mère :

- On va maintenant vous emmener. Portez-vous une prothèse dentaire ?

- Oui.

- Veuillez l'enlever et la donner à votre fils.

- Monsieur veuillez sortir un instant, dit l'anesthésiste à mon intention tout en prenant une seringue plein de liquide incolore à la main.

- Je voudrais d'abord aller aux toilettes a dit ma mère.

Elle est angoissée sûrement et je la comprends. Soa, la copine de Hary qui est la malade du lit qui se trouve à gauche l'a déjà aidée à aller aux toilettes 2 heures plus tôt et cette fois-ci, la revoilà qui décroche du trépied la perfusion de maman, la tient dans sa main et voilà tous les deux qui prennent la direction du toilette. Pendant ce temps je sors comme me l'a demandé l'anesthésiste.

J'ai vu Soa pour la première fois hier soir, c'est une jolie fille un peu boulotte et souriante. Ce matin maman m'a dit qu'elle habite à Ihosy et qu'elle me connaît de vue alors que moi je ne la connaissais pas du tout. Il faut dire que nos quartiers sont éloignés d'environ 2km et que voilà plus de 10 ans que je n'ai pas mis les pieds dans le quartier du nord où elle habite. Sûrement qu'elle m'a aperçu au marché ou ailleurs.

Sorti dans la galerie, je me souviens de la peur de maman de l'anesthésie générale. Pourvu qu'elle n'a pas oublié de poser la question qui la titille à l'anesthésiste, me dis-je.

En effet, on lui a dit il y a des années qu'on ne doit pas anesthésier une personne asthmatique, or elle l'était il y a environ 15 ans et depuis elle n'a plus fait aucune crise. Je pense que ce qu'on lui a dit est faux mais bon, on ne sait jamais.

A sa sortie sur la civière je posais la question à l'anesthésiste.

- Elle m'a posée la question, me répond-t-il. Il n'y a rien à craindre, nous sommes plusieurs médecins à l'assister, tout ira bien.  

Je regarde de loin le chariot qui entre dans le bloc opératoire, les familles des malades doivent attendre dans la chambre des malades et ne peuvent rester dans le couloir devant le bloc, c'est la règle de l'hôpital.

2 minutes après, Hary dit qu'actuellement elle doit être dans un profond sommeil déjà. Lorsque Hary a été opérée de son fibrome, on lui a mis une blouse et une calotte verte. Pour maman l'anesthésiste lui a laissé son pyjama.  

Je suis angoissé mais en même temps je suis confiant de la capacité des médecins qui l'entourent, je sais qu'ils sont nombreux et Hary elle-même confirme qu'ils sont plusieurs dans le bloc. Elle parle de l'après opération. Lorsqu'elle est revenue dans la chambre dit-elle, elle était inconsciente et ne s'est réveillée qu'après une demi-heure environ selon Soa.

- Je me souviens juste d'une chose ronde où il y a plusieurs lumières vives, dit-elle. Après je ne me souviens plus de rien et n'ai rien senti du tout, on m'a dit que lorsque je suis revenu du bloc, on ma soulevée du civière et remis sur mon lit. Je ne me souviens que de mon réveil. Et bien pour ta mère ce sera la même chose, elle ne se souviendra de rien et ne sentira rien.

Cela m'a rassuré encore plus.

Je regarde par la fenêtre et je vois la voiture du docteur Mario garée près de la pharmacie. Je suis sûr que le docteur Mario est aussi au bloc. Le docteur Mario est un vrai coureur de jupon notoire et invétéré lorsqu'il était en poste à Ihosy avant d'être affecté ailleurs, ayant environ 48 ans ou 50, c'est un chirurgien mais est venu ici pour approfondir encore sa connaissance d'autres techniques chirurgicales, notamment la spécialité vasculaire en chirurgie. J'ai vu d'autres médecins avec lui qui doivent être aussi des chirurgiens déjà en poste et d'autres peut-être encore en stage.

Je regarde l'heure sur la table de chevet, il est déjà 13 heures et maman n'est pas encore sorti du bloc, pendant ce temps ma sœur qui n'arrive toujours pas. Je pense déjà aux affaires que je vais emmener ici ce soir pour dormir sur le couloir du lit comme font les autres gardes malades, il me faudra je pense 2 mètres de toiles PK à mettre sur le carrelage, puis une couverture par-dessus et une autre couverture et drap pour se couvrir en ce temps d'hiver. Règle de l'hôpital :

Les affaires des gardes malades ne doivent rester dans les chambres pendant la journée. Je me dis, aucun problème, j'ai déjà prévu de déballer mes affaires à l'hôtel pour libérer mon sac et emmener ces affaires prévus pour la nuit vers 18h et les ramener dans le même sac à l'hôtel dès 6h30 du matin. Je suis en train de penser à tout ça lorsque j'aperçois ma sœur et mon beau frère par la fenêtre, je suis tout content de les voir. Je regarde la montre, il est 13h 30mn.

Je commence un peu à angoisser, ça fait plus d'une heure et l'opération n'est toujours pas terminée, pour le fibrome de Hary les chirurgiens n'ont pas mis 1 heure.

Je  dis aux nouveaux arrivants que maman est déjà en bloc depuis 12h 22 et qu'il n'y a plus qu'à attendre.

13h55, cela fait plus d'une heure trente et toujours rien, ma sœur, mon beau frère et moi commençons à être un peu plus inquiet, surtout moi car depuis ce matin j'ai remarqué qu'aucun des précédents intervention n'a duré autant que ça.

(A suivre)   Photo aimablement fourni par le Dr Vincenzo MAROTTA.        

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