02 December 2006

L'opération (suite 16)

Face à cette alerte je me dis : Pourvu que René soit déjà arrivé à l’hôpital ». Je demande un seau d’eau à Zana pour me laver avant d’aller rejoindre ma chambre. La bonne s’empresse de donner l’eau voulu car elle veut vite rentrer chez elle en entendant cette alerte.

Lundi 31 Juillet 2006 :

Au réveil, je me dis qu’aujourd’hui c’est le grand jour de la rentrée à la maison. René arrive peu après et je lui demande s’il a entendu l’alerte de la veille.

- Oui, me dit-il, j’étais à 100 mètres de la grille lorsque j’ai vu quelque chose bouger dans un fourré sombre qui descend vers la vallée, j’ai bien regardé malgré la lumière qui faisait défaut à cet endroit et j’ai vu l’ombre de trois ou 4 personnes qui s’enfonçaient dans la nuit, et cela quelques minutes après avoir entendu les coups de sifflets. Je me suis alors hâté de rejoindre la grille.

Nous commandons 4 plats de sosoa et après avoir pris la nôtre nous en emportons deux à l’hôpital. Il est 7 heures et tout le village est déjà levé depuis plus d’une heure.

Arrivé à l’hôpital, nous constatons que maman vient juste de se réveiller et ma sœur de sortir de la douche. On commente dans la chambre l’alerte de la veille, peu après on se pose la question si on va effectivement sortir dans la matinée ou l’après-midi. Vers 9 heures maman me demande d’aller acheter une bouteille d’eau au village. La garde malade de Hary en profite pour me demander d’acheter pour elle aussi des menakely (beignets) en me donnant 200 ariary.

Je redescends donc au village accompagné de René qui n’a pas trop envie de rester dans la chambre et nous achetons une bouteille d’eau ainsi que du Fanta et du chocolat. Maman a un péché mignon pour les chocolats. On achète aussi les beignets pour la dame qui garde Hary et qui doit être sa tante.

Au village on clôture avec des vastes toiles PK la grande place du village pour le spectacle de Rasoa Kininike l’après midi. L’organisateur du spectacle a opté pour la place du village car la grande cour de la famille de Marie qu’ils ont lorgnés coûte trop cher en terme de location : deux millions cinq cent mille francs soit 500.000 ariary (183 euros). Au marché c’est aussi l’effervescence car c’est jour du grand marché hebdomadaire.

De retour à l’hôpital une mauvaise nouvelle tombe : Un autre patient vient de décéder. Encore ! C’est le troisième décès en l’espace de quelques jours. Cette fois-ci c’est un patient qui est à la fois cardiaque et asthmatique. Les deux dames qui sont les filles du patient n’ont guère appréciées que leur belle-mère soit au chevet de leur père et le lui ont fait savoir en aparté, qu’elle doit quitter leur père et ne plus revenir. Pour ne pas alerter son époux, la belle-mère en question a dit à son mari qu’elle doit absolument retourner dans leur village voir leur bétails et si tout va bien là-bas. Le mari ne doit pas être dupe de l’agissement de ses filles qui viennent tout juste d’arriver mais aussi du changement d’attitude de son épouse car il a été très peiné et a pleuré selon les autres gardes-malades dans sa chambre. Peu de temps après il a fait une crise qui l’a conduit à une mort soudaine. Peut-être a-t-il fait un AVC ? C’est très probable.

Nous sommes plus que jamais impatients de rentrer, d’autant que l’atmosphère à l’hôpital devient glauque avec ces morts qui s’ensuivent à un rythme effrayant. J’en arrive même à détester ces corbeaux qui rodent autour de l’hôpital, oiseau de mauvaise augure par excellence ;-(

Nous pensons tout de même que ces morts successifs ne sont pas la faute de l’hôpital ni des personnels soignants, c’est plutôt la faute des patients qui ne viennent se soigner ici qu’à un stade avancé de leur maladie, persuadés qu’après avoir tout essayé ailleurs, cet hôpital renommé ferait un miracle.

Peu après maman nous demande de porter le fisaorana au Docteur Roger sans qui le chirurgien vasculaire qui est son ami ne serait pas venu ici. Nous partons René et moi vers son bureau avec 30.000 ariary dans l’enveloppe, nous allons profiter de lui demander quand maman pourra sortir car en tant que médecin chef il doit bien le savoir.

Arrivés à son bureau, c’est le petit discours d’usage puis, peu avant notre sortie, il nous dit que la sortie de maman se fera peu après la visite des médecins dans les chambres l’après-midi.

Nous retournons tout de suite à la chambre pour mettre au courant ma mère et ma sœur afin qu’elles se préparent petit à petit pour ne pas être prise de court le moment venu. Dans la chambre on commence à tourner comme des lions en cage d’autant plus qu’il n’y a plus de passe temps possible, les livres et journaux ont tous déjà été lus et même relus depuis samedi après-midi. Ma sœur, son mari et moi sortons sur la galerie pour prendre un peu de soleil, à peine sommes assis que des hommes passent avec un corps emballé entièrement dans un lamba (linge de la taille d’un drap avec lequel les autochtones ont l’habitude de s’envelopper et dont ils ne se séparent que pour travailler) en petits carreaux violets et blancs dans les bras. C’est sûrement l’homme décédé aujourd’hui, près de la grille un peugeot 404 attend le corps.

Je laisse ma sœur et mon beau-frère à leur bain de soleil et je déambule de la galerie extérieure à la galerie intérieure pour me changer un peu les idées, j’arrive presque devant la chambre des tuberculeux lorsque je vois un homme très décharné en sortir, l’air de rien je presse un peu plus mon pas en passant devant en retenant ma respiration, ma sœur qui m’aperçois 20 m devant en rit, elle sait pertinemment pourquoi je passe vite comme ça, un peu comme si j’avais le diable à mes trousses. Ma sœur sait très bien que je suis un peu hypocondriaque sur les bords.

Il est un peu plus de midi lorsque nous descendons Réné et moi au village pour les commandes du déjeuner.

(A suivre)

 

 

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